Incontinence urinaire

- Bonjour, Docteur, – la patiente salue d’un air sombre. On dirait que c’est une dame de 58-60 ans, avec des yeux rouges: c’est évident qu’elle a beaucoup pleuré, – puis-je entrer?
- Entrez, s’il Vous plaît, asseyez-Vous, – je me lève et je souris, comme d’habitude.
En général, les gens me sourient en réponse, mais dans ce cas… Quelques questions générales sur les données du passeport, l’âge… Mon Dieu, elle n’a que 50 ans!
- Quelle est la raison de Votre visite? Qu’est-ce qui Vous inquiète?
- Mon petit-fils.
- Excusez-moi? – je redemande, car j’ai pensé que je n’avais pas bien compris.
- Oui, mon petit-fils, – a-t-elle répondu en s’essuyant les larmes, – il n’a que trois ans… Il est si mignon… Il ne joue pas avec moi et ne me laisse pas le serrer dans mes bras… Je deviens folle.
- Mais… pourquoi???
- Il dit que j’ai une mauvaise odeur… – murmure-t-elle et se met à pleurer de nouveau. – Voyez-Vous… Le problème c'est que je souffre d'une incontinence d'urine.
Je me lève, je lui tends un verre d’eau. Je veux la calmer et, en même temps, voir comment elle réagit sur les sons de l’eau coulante: je voulais voir si elle avait des envies impératives, irrésistibles de miction. Non, elle est calme, elle remercie pour l'eau et s'essuie les larmes.
- Dites-moi, s'il Vous plaît, quand est-ce que Vous sentez cette incontinence? Dans quelles conditions Vous n'arrivez pas à retenir l'urine?
- Lorsque j'éternue, je tousse, je ris... Il y a déjà 5 ans que j'essaie de na plus rire. Les couches hygiéniques n’y font rien: bien que je les change très souvent, il y a cette odeur qui reste quand-même... Et moi, je suis maniaque de la propreté...
- Et pourquoi n'êtes-Vous pas allée voir un médecin plus tôt? – Je m'étonne. – Ne pas rire pendant 5 ans – c'est terrible...
- Je pensais que c'était lié à l'âge... Plusieurs de mes amies ont la même chose... Elles se sont habituées…

- Et qu'est-ce qu'on pourrait faire avec cela, Docteur Dilanyan? – Après mes explications sur les causes de l'incontinence d'urine, la patiente n'a déjà aucune idée sur ce qu'on pourrait faire pour la guérir, – Je ne peux plus...
- Il y a plusieurs méthodes, – lui réponds-je, en étudiant les résultats du bilan urodynamique, – thérapeutiques, de manipulation, des exercices, la chirurgie... Chacune d'elles a ses avantages et ses défauts. Les méthodes thérapeutiques sont visées au rétablissement de la quantité de l'hormone qui renforce les tissus en créant ainsi un maintien pour l’urètre. Les méthodes de manipulation représentent une injection d’une substance (reconstituant le volume) sous l’urètre qui permet à l'urètre de s'élargir: l'influence de cette méthode continue pendant environ un an. Il y a aussi les exercices de Kegel visés au renforcement des muscles vaginaux et aussi à la création d'un maintien pour l'urètre... En cas d'une cystite interstitielle ou d'une hyperactivité de la vessie, ce qui n’est pas notre cas, on peut recourir aussi bien à une prise de médicaments réduisant l'envie qu'à des injections de toxine botulinique dans la vessie...

... – Donc, dans notre cas, c'est la chirurgie qui serait la meilleure solution.
- La chirurgie?
- Oui. Il est indispensable de créer un appui pour l'urètre afin que celui-ci ne s'ouvre pas en cas d'une toux, il faut qu'il ait un support. Regardez, – je dessine un schéma et le résultat de la chirurgie, – une bandelette fine est installée sous l'urètre et elle limite l’action de l’ouverture de l’urètre. Ainsi, il n’y a plus d’incontinence.
- Et si cette bandelette serrait l'urètre de manière que je ne puisse pas uriner? – J'ai vu que le regard de ma patiente est devenu terrifié, après avoir regardé les images que j'avais dessinées.
- Non, – ai-je dit en souriant, – l'opération s'appelle TVT-O: Tension free Vaginal Tape – Obturatorius, ce qui signifie. Cela signifie que la bandelette ne serre pas l'urètre lui-même, elle ne sert que de support, d’appui pour l'urètre.
- Et je serai à l'hôpital pendant longtemps? Le processus de cicatrisation, ça dure longtemps? Les douleurs, elles durent longtemps?
- 24 heures.
Elle ne me croit pas. L’expression de son visage me rappelle celle de Stanislavski – je ne crois pas, c'est tout.
- Eh... Regardez, Mme Véra Petrovna. En cas de cette opération, Vous n'avez qu'une incision d'un centimètre. Qu'est-ce qui voulez-Vous que Vous fasse mal? De quelle cicatrisation parlez-Vous? Et, le plus important, pourquoi voulez-Vous rester à l'hôpital si longtemps?
- Et l'anesthésie? C'est comment?
- En ce qui concerne l'anesthésie, c'est une anesthésie rachidienne ou intraveineuse. Elle ne va durer que 30 minutes. Dès que je finis l'intervention, Vous vous réveillerez, – je lui décris l'anesthésie légère.
- D'accord, – elle se décide enfin, – quelles sont les démarches que je dois entreprendre? Et quand est-ce qu'on fait cette chirurgie?
- Vous allez passer le complexe préopératoire des analyses, Vous allez consulter le thérapeute et l'anesthésiste. Et je vais Vous opérer vers la fin de la semaine. Vendredi – c'est l'opération, ensuite je Vous mets sur Vos pieds, samedi – Vous sortez de l'hôpital, et lundi – Vous allez au travail...
- Docteur, est-ce que je pourrais rester couchée un petit moment, pendant l'opération? – Le sourire lui a incroyablement changé l'expression du visage.
P.S. Un an après.
Une dame agréable entre dans mon cabinet, avec un enfant qui aurait environ 4 ans. On ne donnerait pas à la dame plus de 40 ans. Elle sourit.
- Bonjour, Docteur.
- Bonjour. Entrez et asseyez-Vous, – je me lave les mains avec un antiseptique fétide et je m'assieds.
- Vous ne Vous rappelez pas de moi, Docteur, – la dame sourit encore plus grand, – Vous m'avez opérée il y a un an.
Je m'efforce de me rappeler d'elle en lui regardant minutieusement le visage. En ce moment, l'enfant sent l'odeur de mes mains, fait une grimace et annonce: «Pouah! Ça pue!».